Une fois leurs adieux fait à leur famille, les Tributs du District 11 sont emmenés par les Pacificateurs jusqu'à la gare, accompagnés de Jules Spencer-Hamilton et de Clark O'Brian. Un écran géant retransmet leur arrivée jusqu'au train, dans lequel on les fait monter après les cinq minutes d'attentes réglementaires qui permettent aux reportèrent de filmer les nouvelles attractions du Capitole.
Pendant le voyage qui durera plusieurs heures, les Tributs pourront se restaurer et se reposer dans leurs appartements individuels et privés qui comportent chacun une chambre à coucher, un dressing bien rempli et une salle de bain bénéficiant de l'eau chaude et de l'eau froide. Seuls les repas se prennent en commun, dans la salle à manger du train.

Je n'eu pas à attendre longtemps dans le salon avant que deux Pacificateurs viennent me chercher après le départ de ma soeur.

Ils nous firent monter dans une voiture, Katlyn, notre Hôtesse Jules Spencer-Hamilton, notre Mentor, et moi. Il me semblait que le nom de l'ex-gagnant était O'Brian... Mais je n'en étais pas très sûr.

J'observais le paysage du onze défiler par la fenetre avec un sentiment d'irréalité. Je ne le verrais sûrement plus jamais, mon District... Ni ma famille d'ailleurs... J'estimais que mes chances de survie dans l'arêne était actuellement de... Euh... quelque chose comme 0,99%. Aller, 1% si je courrais assez vite pour échapper au bain de sang. Vraiment pas énorme en bref.
J'eu un sursaut en remarquant l'écran géant qui retransmettait en direct notre arrivée à la gare et je donnais un petit coup de coude discret à ma meilleure amie pour le lui montrer. Pas besoin de mots entre nous, un regard, un signe, ça suffit pour se comprendre.

"Tu sais quoi ? Heureusement que tu es là... Parce que sinon, je crois que je n'aurais jamais eu le courage de faire tout ça... Je n'aurais pas tenu le choc... Enfin, en fait j'en sais rien... En réalité, j'ai l'impression d'avoir presque tout oublié, même les choses les plus élémentaires, comme savoir nouer son lacet... Et pourtant, je sais qu'elles ne sont pas complètement parties... Elles sont là, quelque part, dans un des tirroirs de mon esprit... Tiens, tu te souviens de ce jour d'été, un peu avant la moisson de l'année dernière, où on s'était baigné au lac ? Il faisait si chaud qu'on avait pas pu resister à l'appel de l'eau..." avais-je envie de lui dire.

Mes pensées et mes souvenirs continuaient de défiler lentement dans mon esprit et je ne faisais pas réellement attention aux reporters lorsqu'ils braquaient leurs caméras et leurs appareils photos sur nous. Je ne voyais que ma famille, Katlyn, la clairière, le lac, Gale et Elizabeth et Peter, mon oncle et ma tante, Cal...

Je faillis rater la marche en montant dans le train.

"Bon, peut-être que je devrais revenir sur Terre et regarder où je mets les pieds quand mê..."

Le luxe du wagon dans lequel nous fûmes introduit me coupa le souffle et arrêta net ma capacité à penser. Je restais planté là, à l'entrée de la salle à manger, incapable de faire quoi que ce soit d'autre que d'observer toute la pièce, les yeux grands ouverts.

-... Wahou... C'est...

C'était quoi ? Stupéfiant ? Révoltant ? Estomaquant ? Ecoeurant ? Magnifique ? Je crois bien qu'il n'y avait aucun mot pour exprimer la tonne d'émotions contradictoires que je ressentais.

Les Pacificateurs nous emmenèrent, Elian et moi, vers le train qui devait nous conduire au Capitole. A l'Arène.
A notre destin.
Choisi, certes, ce destin, choisi avec une pleine et entière détermination, mais néanmoins terrifiant maintenant que nous étions juste devant, comme lorsque nous avions décidé d'escalader la Falaise des Aigles que nous voyions de loin depuis chez nous. Arrivés à l'à-pic des deux cents mètres de roche verticale, nous fanfaronnions moins, même si nous avions fini par grimper en haut, fierté oblige.
Le coup de coude de mon meilleur ami me tira de mes pensées et les orienta vers l'écran qui retransmettait en direct nos pas dans la gare. Je me ressaisis, et redressai le buste. Pas question de flancher maintenant !
Le visage impassible, je me retournai pour saluer la foule avant de grimper dans le wagon chromé qui nous transporterait vers le Capitole. J'aperçus mon frère, juché sur les épaules de notre père, mais ne trouvai trace de ma mère. Elle avait dû rester à la maison pour m'épargner la vue de ses larmes et ne pas ébranler ma détermination.
Elian faillit rater la marche, mais il se rattrapa et je le suivis dans un wagon si luxueux que la premier mot qui me vint à l'esprit fut : «INJUSTICE !»
Le plancher, les murs et le plafond étaient de bois précieux et de marqueteries, les meubles étaient d'un métal brillant que je ne connaissais pas, sûrement cet alliage inoxydable dont m'avait un jour parlé un ami forgeron, et les canapés croulaient sous les coussins tendus de satin et de brocard, ce tissu épais brodé de fils d'or et d'argent que je n'avais jamais vu qu'en images.

-Wahou... c'est...
-Oui, je ne te le fais pas dire, répondis-je à mon meilleur ami.

Mon ton était sec et cassant, froid. Je ne pouvais imaginer pire punition pour les Tributs : vivre dans un luxe indécent pendant que leurs familles mouraient de faim et de froid. J'eus une brusque envie de vomir, et je m'agrippai à la main d'Elian pour m'empêcher de tout réduire en pièces dans le train.

-Oui, je ne te le fais pas dire. me répondit Katlyn.

Je fus un peu choqué par son ton glacial et cassant. Je n'avais vraiment pas l'habitude de l'entendre parler comme ça. Je sentis sa main serrer la mienne avec une telle force qu'elle me fit presque mal, mais je ne dis rien. Je connaissais assez ma meilleure amie pour savoir qu'elle avait besoin de ce contact. Elle mourrait probablement d'envie de tout détruire, tout massacrer, tout ce luxe devait la dégouter elle aussi. Quant à moi, j'étais plus du genre à me faire tout petit, et actuellement, ma seule envie était de trouver un petit coin sombre, une cachette dans laquelle je pourrais me glisser tranquillement, dans laquelle je me sentirais bien et en sécurité.

« Et où accessoirement, il y ait de la place pour deux si elle veut venir avec moi.... »

J'esquissais un sourire totalement stupide et fis un pas.

-Viens. lui murmurai-je doucement.

Mes doigts massaient délicatement sa main sans même que j'y prenne garde. Il fallait à tout prix qu'elle se calme. Et au diable ces Capitoliens pourris jusqu'à la moelle des os ! Au diable le président ! Je ne jouerais pas la comédie des parfaits tributs inconnus ! Il nous restait trop peu de temps à passer ensemble avant l'arêne.

Je sentis la main d'Elian resserrer sa prise autour de la mienne alors que, d'une injonction, il me proposait de le suivre. De le suivre où, je n'en avais aucune idée. Sûrement dans un endroit sombre et étroit, avec juste la place pour lui et moi de nous glisser à l'intérieur pour échapper à tout ce luxe, à toute cette cruauté affichée du Capitole.

- Non, attends Elian.

Je voulais avoir le temps, avant la tombée de la nuit, de jauger un tant soit peu notre Hôtesse et notre Mentor. Qui n'avait, à première vue, pas l'air des plus brillants.
C'est en serrant toujours la main de mon meilleur ami que je l'entraînai vers une des banquettes tendues de brocard pour nous y asseoir, face à Clark O'Brian et Jules Spencer-Hamilton. Notre Mentor semblait avoir envie de se retrouver à des milliers de kilomètres de là. Bien, au moins un point commun entre lui et nous, même si nous étions dans ce train plus ou moins par choix. Notre Hôtesse, elle, guindée dans son tailleur de satin et de soie vert amande et blanc, nous observait avec attention.
Nous jaugeait, autant que je la jaugeais.

- Je suis Jules Spencer-Hamilton, je suis votre Hôtesse. Et voici Clark O'Brian, botre Mentor.

Le ton était mielleux et condescendant. Je la détestai immédiatement.

- Bonjour, fit Clark en hochant la tête vers nous, d'un air de dire que nous étions complètement fous.

Je décidai d'ignorer l'Hôtesse, et m'adressai à notre Mentor :

- Je suis Katlyn Earnshaw, et voici Elian Black'Mor. Les Tributs du District Onze.